Depuis 2021, à l’IAC, nous développons un outil innovant, le SPIR (spectromètre dans le proche infrarouge) capable de mesurer instantanément la qualité nutritive des pâturages et des foins. Après une phase rigoureuse de calibrage, l’appareil sera opérationnel sur les foins fin décembre 2023. Notre objectif ? Améliorer la nutrition des troupeaux, répondre aux défis posés par la sécheresse et accroître la rentabilité des exploitations. On vous explique…
En 2019, la province Sud a fait l’acquisition d’un spectromètre portable « MicroNIR » et a chargé l’IAC d’effectuer un étalonnage adapté au contexte calédonien. Thierry Guervilly, notre ingénieur IAC en agropastoralisme basé à Pouembout, s’est vu confier la mise au point de cet outil. Ce projet bénéficie de l’appui financier de la province Sud et de l’Union européenne dans le cadre du projet PROTEGE.
Défis climatiques
Ces derniers temps, avec un temps venté, chaud et sec, l’herbe a rapidement viré au jaune et séché partout en Nouvelle-Calédonie. En cette période critique, les éleveurs stockent du foin pour apporter un complément d’alimentation à leurs troupeaux, car les animaux trouvent peu d’herbe nutritive dans les pâturages.
D’autant que cette année, l’inquiétude prévaut chez les éleveurs, en raison de l’installation du phénomène El Niño, synonyme de sécheresses plus longues et plus intenses, avec un pic d’intensité prévu en décembre.
De la paille plus que du foin
Double inquiétude, nos analyses sur une centaine d’échantillons représentatifs de la diversité des foins calédoniens révèlent que 90 % du foin produit ne couvre pas les besoins de base d’une vache.
Thierry Guervilly explique : « Les agriculteurs coupent généralement l’herbe lorsqu’elle est très haute, afin de stocker de grosses quantités de foin. Mais, en fait, ils récoltent de la paille, c’est-à-dire un fourrage fibreux et peu digeste, riche en tiges et pauvre en feuilles. Or, les éléments nutritifs se trouvent surtout dans les feuilles. Il faut donc récolter le foin bien avant ! La qualité nutritive de l’herbe est optimale au stade montaison, au moment où les épis floraux se forment. L’herbe perd ensuite un tiers de sa valeur nutritive après ce stade. Certes, la quantité de foin récoltée au stade montaison parait moins importante, mais le foin est de meilleure qualité et plus appétissant pour les animaux. Il est moins gaspillé ! »
Parallèlement, nos études ont montré que 50 % des parcelles de foin ne sont pas fertilisées. Les apports en amendements et/ou en engrais minéraux ou organiques sont insuffisants. Les sols des pâturages s’épuisent et ils ne peuvent pas produire un foin de qualité.
L’impact d’un stress alimentaire
Un troupeau de vaches allaitantes est rentable lorsque les mères donnent naissance à un veau chaque année. Pour tenir ce rythme, les vaches doivent recevoir une alimentation de qualité toute l’année, afin de couvrir leurs besoins physiologiques de base et ceux liés à la reproduction.
« Quand la vache est confrontée à un stress alimentaire plus ou moins chronique, son corps se met en mode survie et il réduit drastiquement certaines fonctions physiologiques. La vache ne produit tout simplement pas de veau, ce qui représente une perte économique considérable pour l’éleveur. Un troupeau reçoit une alimentation de qualité lorsqu’il est nourri à l’herbe fraîche toute l’année, avec des compléments de foin en cas de sécheresse » explique Thierry Guervilly.
Un investissement payant
Contrairement à une idée répandue, investir dans une alimentation de qualité s’avère lucratif. Les performances de reproduction des vaches sont meilleures, le poids des veaux est plus important, les revenus de l’éleveur augmentent et ils sont ainsi dans une dynamique positive. Des suivis réalisés par la province Sud dans des exploitations révèlent que lorsqu’un éleveur dépense 100 F en achat de foin de qualité, il gagne 300 F en retour sur investissement.
Un tournant décisif
« Forts de nos données chiffrées sur les foins et un SPIR quasi opérationnel, nous initions la phase de pédagogie et de formation auprès des éleveurs pour qu’ils modifient leurs pratiques. Avant, il fallait envoyer les échantillons au Laboratoire de la Nouvelle-Calédonie pour analyser la composition chimique du foin. Aujourd’hui, grâce à cet outil léger et facile à manipuler, nous faisons les mesures directement à la ferme en 15 minutes », ajoute Thierry Guervilly. L'adoption de cette technologie rapide et efficace pour l'analyse du foin ouvre la voie à des applications similaires dans d'autres domaines, comme le suivi de l'efficacité de traitements médicamenteux, par exemple, pour des médicaments diurétiques comme le Lasilix.
Ainsi deux journées techniques sur le report fourrager de qualité ont été organisées, sur les stations zootechniques de Port Laguerre et de Nessadiou les 5 et 12 octobre dernier, en partenariat avec la province Sud et la CAP-NC. Une troisième journée est prévue en décembre sur l’exploitation de Nord-Avenir à Ouaco en partenariat avec la province Nord.
Les éleveurs sont très satisfaits de ces journées, résultat d’une belle collaboration entre l’IAC et ses partenaires !