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Stocker du carbone en verger d’agrumes : une solution face au changement climatique

Science en cours
29/04/2024

L’agriculture, la foresterie et les autres utilisations des terres (AFOLU) sont à l’origine de près de 25 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique (IPCC, 2023)1. Cependant, le secteur agricole représente également une solution aux changements globaux, notamment grâce à ses capacités à fixer et stocker du carbone, et ce, particulièrement dans les sols. 

L’IAC, membre et partenaire de l’initiative 4p10002 depuis 2017, s’attelle à quantifier les capacités de stockage de carbone des agrosystèmes. L’objectif est double : améliorer la fertilité des sols, et de fait la productivité et la résilience des agro-écosystèmes en vue de renforcer la sécurité alimentaire, mais aussi compenser les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique.

Vers l’acquisition de données locales : 1ères quantifications en contexte agricole en Nouvelle-Calédonie

Les vergers constituent un modèle d’étude intéressant, d’une part en raison des surfaces disponibles pour le stockage additionnel de carbone (Chenu et al. 2014)3, et d’autre part en raison du manque de quantification de leur bilan carbone à une échelle globale. Pour les agriculteurs, l’adoption de pratiques « stockantes » en carbone (apport organique, couverture végétale, introduction de ligneux) est d’autant plus bénéfique que la matière organique des sols est à la base de leur fertilité ; elle joue donc un rôle primordial dans la production agricole et la résilience des agrosystèmes face aux évènements extrêmes. En ce sens, les suivis réalisés par l’IAC depuis 2019, sur la parcelle expérimentale monovariétale « Jaunet » de la station de recherche agronomique de l’IAC à Pocquereux, permettent aujourd’hui de réaliser une première quantification des stocks de carbone en verger d’agrumes.

Orangers Washington Navel, greffés sur porte-greffe nanifiant Flying-dragon. Ces photographies illustrent deux modalités agroécologiques de gestion des lignes de plantation : le sol est recouvert de paille ou de plantes de couverture (Arachis pintoï). Ces différentes modalités font l’objet de suivis scientifiques, et leur impact sur le stockage de carbone dans les sols est en cours d’évaluation. © IAC / S. Lebegin.
Orangers Washington Navel, greffés sur porte-greffe nanifiant Flying-dragon. Ces photographies illustrent deux modalités agroécologiques de gestion des lignes de plantation : le sol est recouvert de paille ou de plantes de couverture (Arachis pintoï). Ces différentes modalités font l’objet de suivis scientifiques, et leur impact sur le stockage de carbone dans les sols est en cours d’évaluation. © IAC / S. Lebegin.

Pour atteindre ces objectifs, la biomasse -aérienne et racinaire- a été déterminée par la mise en œuvre d’équations allométriques* définies à partir de l’arrachage et l’excavation totale d’orangers. La biomasse des fleurs, fruits, branches, feuilles, porte-greffe et racines a été définie sur chaque individu. Ces travaux ont été couplés à des récoltes mensuelles et pluriannuelles de litière, ainsi qu’à des suivis de croissance et de rendement des arbres. L’ensemble de ces résultats a permis d’estimer la productivité primaire nette (NPP) du verger.

Ainsi, sur les 4 premières années d’exploitation, la NPP est égale à 495 ± 327 kgC.ha-1.an-1, soit près de 3 fois plus que des orangers greffés sur flying dragon au même âge mais en milieu tempéré (183 kgC.ha-1.an-1, Quiñones et al., 2013)4. Le stockage aérien représentait 56,5% de la NPP, le stockage racinaire 10%, la production de fruits 24,5% et la chute de litière 9%. Ainsi, la productivité primaire nette du verger étudié à l’IAC est élevée, suggérant que sur le territoire, les vergers pourraient contribuer au stockage de carbone et à la lutte contre le changement climatique, comme une solution fondée sur la nature.

* Équations allométriques : outils mathématiques permettant d’estimer la biomasse à partir de paramètres aisément mesurables (hauteur, diamètre, …).

graphique bilan carbone verger
Principales composantes de la productivité primaire nette (NPP) du verger (en kgC.ha-1.an-1). Les composés organiques volatiles (COV), l’exsudation racinaire, l’herbivorie, ne sont pas considérées dans le calcul de la NPP. © Illustration LEOPOLD Audrey / IAC.

Vers la poursuite des suivis à long terme

L’ensemble des suivis précédemment décrits, ainsi que les mesures de la respiration des sols seront poursuivis sur la durée d’exploitation du verger, afin d’appréhender la productivité nette de l’écosystème (NEP) et de fait, sa capacité à être une source ou un puit de carbone. Les stocks de carbone des sols en réponse aux pratiques culturales mises en œuvre (niveau d’amendement en compost, typologie de couverture des sols...) seront déterminés en 2024. 

Ces données essentielles permettront de quantifier l’impact des différentes pratiques agroécologiques sur les flux et les stocks de carbone, et ainsi déterminer d’un point de vue opérationnel les leviers quant au stockage de carbone en verger en contexte climatique subtropical. L’objectif étant, in fine, un transfert de connaissances le plus efficace possible auprès des professionnels en matière de transition agroécologique. 

 

Contact : LEOPOLD Audrey (Chercheure IAC, PhD biogéochimie) audrey.leopold@iac.nc, LEBEGIN Stéphane.

  1.  IPCC, 2023. Sections. In: Climate Change 2023: Synthesis Report. Contribution of Working Groups I, II and III to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, H. Lee and J. Romero (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland, pp. 35-115, doi : 10.59327/IPCC/AR6-9789291691647

  2.  4p1000, Les sols pour la sécurité alimentaire et le climat. https://4p1000.org

  3.  Chenu et al., 2014. Stocker du carbone dans les sols agricoles : évaluation de leviers d’action pour la France. Innovations Agronomiques 37, 23-37.

  4. Quiñones et al., 2013. Allometric models for estimating carbon fixation in Citrus tree. Agronomy Journal 105, 1355-1366. doi:10.2134/agronj2013.0015.

 

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